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MOTION
DU 9 FÉVRIER
Les participants au RASSEMBLEMENT POUR LA DEFENSE DE LA
DEMOCRATIE, DES DROITS HUMAINS ET DE LA LIBERTÉ DE LA
PRESSE EN HAITI, réunis ce jour Samedi 9 Février
2002, au 120 Rue Lafayette à Paris, ont voté la
motion suivante :
Nous dénonçons les violences à l'encontre
des démocrates haïtiens qui ont eu lieu le 17 Décembre
dernier, particulièrement contre des journalistes et des
personnalités politiques. Nous condamnons les incendiaires
qui ont détruit le CRESFED, l'Institut Français
d'Haïti, de nombreuses habitations particulières
d'opposants au régime d'Aristide, ainsi que des locaux
d'organisations politique et syndicale.
Nous dénonçons avec fermeté les meurtres
odieux des journalistes Jean Dominique et Brignol Lindor.
Nous appuyons le rapport de "REPORTERS SANS FRONTIERE"
dénonçant et condamnant les actions menées
contre la Liberté de la Presse en Haïti. Nous aussi
réclamons des sanctions contre les personnalités
du gouvernement haïtien impliquées dans cette politique
de violation des Droits de l'Homme.
Cette motion sera remise aux différents groupes du Parlement
Français, aux Responsables du Quai d'Orsay, à l'Ambassadeur
d'Haïti en France ainsi qu'à l'Union Européenne,
à l'OEA et à l'ONU.
Elle sera également envoyée au Gouvernement des
Etats-Unis d'Amérique par l'intermédiaire de leur
Ambassadeur à Paris.
Nous demandons à toutes ces instances de condamner le
gouvernement haïtien, et de prendre les mesures qui s'imposent
pour que de tels actes ne soient plus jamais commis.
Cette motion a été votée démocratiquement
par l'Assemblée et adoptée à l'unanimité.
Paris le 9 Février 2002
Signatures des responsables du Rassemblement :
Gérald BLONCOURT (Président de l'Association Pour
la Défense des Droits de l'Homme et de la Démocratie
en Haïti et dans le Monde, plus connue comme "COMITE
POUR JUGER DUVALIER) -
Jean Marc NUMA (Président Adjoint du Comité pour
Juger Duvalier)
Alemy ILOFILS (Secrétaire du Comité pour Juger
Duvalier)
Florence GAUTHIER (Trésorière du Comité
pour Juger Duvalier)
Léon AUGUSTE (du Bureau du Comité pour Juger Duvalier)
Yves BENOT (du Bureau du Comité pour Juger Duvalier)
Paul Baron (de l'Association Pour Haïti)
Eliot ROY (de l'Association Pour Haïti)
Wilfrid READ (de l'Association Pour Haïti)
INTERVENTION DE GÉRALD BLONCOURT
RASSEMBLEMENT POUR LA DEFENSE
DE LA DEMOCRATIE,
DES DROITS HUMAINS
ET DE LA LIBERTE DE LA PRESSE
EN HAITI
Samedi 9 Février 2002
120 rue Lafayette Paris
Honneur et respect,
Bonsoir Mesdames, bonsoir Messieurs, bonsoir les enfants, puisque
j'en aperçois quelques-uns parmi nous.
Mwen tèlman gen emosyon que, a swè a, m' ta renmen
pale kreol, ki lang zantray mwen, ki lang natif-natal nèg
Bainet, kote m' fèt.
Paske jou jodi sa, se you gwan mòman pou pèp dayiti.
Se you mòman solidarite, you moman pou nou tout rélé
kont sa kap pase lakay nou.
Se you mòman kote le mond antie dwe konen ke ayisyen ki
chita en France pa dakò ak asasina, ak dife kap boule
l'enstitu franse, kap boule Kresfèd, kap boule kay moun
ki pa d'akò ak gouvènman a. Kap maspinen jounalist.
Kap boule konfyans nan la Demokrasi, kap boule menm l'espoa ke
pèp la te genyen nan la libète leu Divalie te fout
dechouke!
Men, kom gen ampil moun isit la ki pa kon pale kreol, map blige
pale an franse pou tout moun kà tandem'.
Je traduis :
Ce soir, je me sens tellement ému, que j'aurais voulu
parler créole, la langue de mes entrailles, ma langue
maternelle, ma langue de natif-natal de Bainet, petit village
aux abords de Jacmel.;
Parce que aujourd'hui est un grand moment pour le peuple haïtien.
C'est un moment de Solidarité, un moment pour hurler contre
ce qui se passe chez nous.
C'est un moment où les haïtiens demeurant en France
doivent faire savoir qu'ils ne sont pas d'accord avec les assassinats,
avec les incendiaires et les pilleurs qui ont saccagé
en autre, l'Institut Français, ainsi que le Cresfed. Ils
ne sont pas non plus d'accord avec ceux qui ont brûlé
des demeures d'opposants au gouvernement. Avec ceux qui persécutent
les journalistes.
Qu'ils ne sont pas d'accord avec ceux qui brûle aussi la
confiance en la Démocratie, l'espoir en la Liberté,
qu'avait tout notre peuple après le déchoukage
de Duvalier !
Mais comme ce soir, ici, beaucoup ne parle pas notre langue,
je vais reprendre en français le texte de mon intervention.
Sans trop de remord, puisqu'il ne faut pas oublier que le parler
français est aussi, avec le créole, une de nos
langues officielles.
Je poursuis :
De graves évènements sont venus une fois de plus
meurtrir notre pays. Un soi-disant "coup d'état"
survenu le 17 Décembre 2001, a servi de prétexte
pour parachever l'oeuvre de destruction des forces démocratiques
entreprise par les lavalasiens.
Depuis la mise en place, à la suite d'élections
fortement contestées pour ne pas dire "frauduleuses",
les meurtres succèdent aux meurtres. De nombreux militants
d'organisations démocratiques, des journalistes, des personnalités,
de simples citoyens, ont été et sont presque quotidiennement
victimes de groupes se réclamant de "fanmi-lavalas".
La terreur règne. De nombreux démocrates menacés
se cachent comme au temps de la dictature des duvalier. D'autres
ont dû fuir. La presse est mise hors d'état de fonctionner
normalement. De nombreux locaux d'organisations et des habitations
particulières ont été incendiés.
Le pouvoir veut à tout prix museler l'opposition. Les
méthodes fascistes bafouent la Constitution. C'est une
nouvelle dictature qui se met en place, aux vues et aux sus de
l'Occident démocratique.
Il apparaît de plus en plus évident que les violences
ciblées contre les organisations démocratiques
(d'une telle ampleur et tellement bien orchestrées, en
quelques heures, sur l'ensemble du territoire national) ne peuvent
pas être considérées comme le fait d'une
simple tentative de coup d'état, initié par un
petit groupe d'hommes ayant tenté de s'emparer du Palais
national.
Il serait ridicule de penser qu'une poignée d'individus
auraient pu avoir la prétention de se saisir du pouvoir
avec des moyens aussi dérisoires. Tout donne à
penser qu'ils ont été manipulés. Comment
d'ailleurs leurs voitures auraient-elles pu pénétrer
aussi facilement dans l'enceinte du bâtiment ? Où
sont actuellement ces hommes ? D'après les dépêches,
ils se seraient, à l'exception d'un seul, évaporés
dans la nature.
L'appel au calme et les déclarations des membres du gouvernement,
faites (sans aucune forme d'indignation authentique) contre les
meurtres perpétrés et les actes de sauvagerie des
incendiaires, apparaît comme inscrits dans un scénario
tentant de dégager la responsabilité des dirigeants
haïtiens.
Yvon Neptune, Président du Sénat et Porte-parole
de "Fanmi-Lavalas" a déclaré après
ces odieux attentats: "Le Peuple a bien choisi ses cibles"...
Ceux qui ont brûlé les sièges des Partis
Politiques ont manifesté à Port-au-Prince pour
réclamer au pouvoir le paiement de leurs actions, montrant
ainsi clairement l'implication du gouvernement auquel ils se
sont adressé.
On voudrait nous faire croire que les organisations démocratiques
et leurs principaux dirigeants sont en fait les instigateurs
de cette soi-disant tentative de coup d'état. Quelle est
la responsabilité du chef de l'Etat, Jean Bertrand Aristide,
qui a prôné dernièrement la théorie
de la "TOLERANCE ZERO" aussitôt suivie de meurtres
de militants d'organisations démocratiques, d'assassinats
de journalistes tel Brignol LINDOR.
Rappelons aussi le meurtre de Jean Dominique, un de nos plus
grand et plus connu journaliste, dont on sait qu'il a été
commis par des hommes de mains gravitant autour du Pouvoir.
Si le gouvernement a pu avec autant de facilité maîtriser
les "assaillants" du Palais national, comment n'a-t-il
pas pu intervenir pour protéger tant de bâtiments
odieusement saccagés et les habitations de nombreux responsables
d'organisations démocratiques, reconnues comme telles
sur le plan international?
Le centre de recherche CRESFED, riche de documentation sur la
Caraïbe et l'Amérique Latine, a été
pillé et incendié, ainsi que l'Institut Français
d'Haïti.
Il ne faut pas oublier que depuis le "triomphe" en
mai 2000 du parti d'Aristide, la Famille Lavalas, aux législatives
et aux municipales, est en proie à l'instabilité
politique. Les partis de la Convergence ont dénoncé
les scrutins et de nombreux donateurs, dont les Etats-Unis et
l'Union européenne ont, sur cette base, gelé leur
aide économique. Un ressentiment anti-Aristide commence
également à naître au sein de son propre
parti. Le pouvoir est secoué par une série de scandales.
La corruption éclate à tous les niveaux. En voici
quelques exemples : Le Premier Ministre mêlé à
des détournements de fond et au scandale du riz, a du
démissionner. Plus de 117 millions détournés
du fisc, pour aller dans les poches de personnages gravitant
autour du pouvoir. Un jeune député proche de ce
premier ministre démissionnaire a d'ailleurs accusé
certain sénateurs de s'en prendre au premier ministre
pour l'obstention de quota de riz importé. En somme, le
véritable panier de crabes.
Un avis, affiché dans les banques à Port-au-Prince
indique : "Tout transfert d'argent vers Western Union à
destination de la Colombie ne doit pas dépasser les 1.100
dollars par personne et par jour".
Il y a-t-il une forte communauté haïtienne en Colombie
? Quel est le niveau du flux commercial entre la Colombie et
Haïti ? C'est vraiment se moquer du monde.
En Octobre dernier, l'économiste haïtien Camille
Chalmers indiquait que sur 50 tonnes de cocaïne qui aurait
transité par Haïti durant les deux dernières
années, seulement une demie tonne aurait été
saisie. Qui s'enrichit ainsi sur le dos du peuple ? Tous ces
gens compromis dans ces scandales sont en fait quelque part détenteur
d'un pouvoir dans les organisme de l'Etat.
La liste n'est pas clause, et nous en aurions pour plusieures
heures à tout énumérer.
*
* *
Il faut que le pouvoir accepte d'accomplir les engagements qu'il
a pris devant les instances internationales (entre autres de
refaire des élections honnêtes) et qui, non tenus,
nous valent la suppression de l'aide des Etats-Unis et de l'Union
Européenne.
Quelle belle occasion pour notre "Président",
d'apparaître (à travers, ce que nous appellerons
une "provocation" savamment orchestrée), comme
celui qui tient bien tout en main et qui s'offre la possibilité
d'appeller mielleusement au calme et aux valeurs démocratiques.
Nous dénonçons avec fermeté ces manoeuvres
qui ruinent la cause de la démocratie en Haïti. Nous
appelons tous ceux et celles qui font leur la cause des Droits
de l'Homme, à faire échec à cette neo-dictature
qui s'implante de plus en plus ouvertement dans le pays. Halte
aux mensonges et aux déclarations onctueuses.
*
* *
Voilà brièvement résumées les sévères
atteintes à la Démocratie en Haïti.
Pour garder à tout prix le pouvoir, le gouvernement veut
réduire et museler ceux, qui par leurs enquêtes
et leurs articles, dévoilent les dessous de ces opérations
sordides. Tout a été mis en oeuvre pour bâillonner
la Presse.
J'ai sous les yeux la liste des journalistes assassinés,
menacés, ou qui ont du fuir le pays. Ils sont au nombre
de 43 !!!! C'est énorme pour un petit pays !
Je salue ici la mémoire de Jean Dominique assassiné
et dont le suspect N°1 de ce meurtre est toujours en fonction
dans le gouvernement. Le juge qui suivait cette affaire, a dû
s'exiler aux Etats-Unis, et le Président Aristide refuse
de reconduire son mandat.
Tout est mis en oeuvre pour faire obstacle à la Justice.
Le journaliste Brignol Lindor lui, a été découpé
à la machette. Un responsable du gouvernement, auquel
on reprochait les attaques contre la Presse, a déclaré
qu'on s'en était pris à lui non pas parce qu'il
était journaliste, mais parce qu'il était membre
d'un Parti de l'Opposition ! Acceptant donc, aussi cyniquement,
l'idée même de son assassinat !
Sont présents ce soir, parmi nous, trois des journalistes
qui ont dû fuir le pays et qui demandent l'asile politique
au gouvernement français. Je vous prie de les saluer pour
leur courage. Je vous demande en outre, de les entourer de votre
solidarité.
*
* *.
Dans un rapport extrêmement précis, détaillé,
vérifié et documenté, le Secrétaire
Général de "Reporters sans frontière"
, Monsieur Ménard, qui s'est déplace en Haïti
même, accuse, preuve à l'appui, 24 personnalité
du gouvernement, dont Monsieur Aristide lui-même.
Il réclame contre eux des sanctions.
Nous aussi réclamons que ces personnes répondent
de leurs actes, devant la Communauté internationale, puisqu'en
Haïti il est impossible de les traduire en justice.
Je considère, personnellement, que le travail de "Reporters
sans frontière" est un acte historique qui marque
un tournant dans la façon d'aborder les problèmes
haïtiens. Finies ces tergiversations pseudo-diplomatiques
des gouvernements occidentaux, dont la France en particulier,
qui finalement n'ont fait qu'accroître le pouvoir des assassins
de notre peuple.
Des organisations telle France-Liberté de Madame Mitterand
feraient bien de s'en inspirer.
*
* *
Tout démontre qu'en Haïti les Droits Humains sont
bafoués, la Démocratie foulée au pied et
la Liberté de la Presse, un vain mot.
Mais nous ne sommes plus au temps où les Duvalier, maintenus
au pouvoir au vu et au sus de l'Occident démocratique,
et avec sa complicité, pouvait terroriser, abattre les
résistants et s'enrichir à millions de dollars,
en toute tranquillité.
Les temps ont changé.
Un vaste courant international coule en direction de plus d'humanisme.
Les informations circulent plus aisément, et tant bien
que mal les Démocraties progressent vers plus d'équité.
Les héritiers du Duvaliérisme qui sévissent
dans notre pays ne peuvent plus oeuvrer en toute sérénité.
Non, la dictature larvée qui tente de s'établir
en Haïti n'arrivera pas à ses fins !
Nous sommes tous là, démocrates du Monde entier,
à suivre pas à pas leurs manoeuvres, à les
dénoncer, à déjouer leurs plans.
Nous pouvons aider plus efficacement ceux-là de nos frères
et de nos soeurs qui luttent dans le pays, au péril de
leur vie. Avec eux nous pourrons rendre possibles les grandes
aspirations de la glorieuse révolution de 1804, dont nous
allons bientôt fêter le bicentenaire.
Avant de conclure je voudrais indiquer que la Coalition Nationale
pour les Droits des Haïtiens a sorti un rapport d'une extrême
importance dont je vous citerais les titres des principaux chapitres
1- Liberté publiques : conquête menacées
2- Liberté d'expression : mise à mal
3- Entrave à la justice
4- Opération "Zéro tolérance"
prônée par Aristide : porte ouverte au lynchage
en plein jour.
5- La situation des défenseurs des droits humains : menacés
et subissant des actes d'intimidation.
6- Sur le plan économique et sociale : constat désastreux
7- La corruption : scandales à tous les nivaux de l'Etat.
8- Dans le domaine de l'environnement : aucune politique. Intensification
de la désertification.
Une grande organisation, Amnesty Internationale, qui mène
un combat de tout instant pour les Droits Humains nous a fait
parvenir la déclaration suivante:
"A l'occasion du Rassemblement du 9 Février 2002
"Pour la défense de la Démocratie, des droits
de l'homme et de la liberté de la presse en Haïti"
du Comité pour juger Duvalier, Amnesty International souligne
la responsabilité du gouvernement en ce qui concerne l'avenir
des droits humains en Haïti face à une série
de défis sans précédent durant ces dernières
années?
Amnesty International exhorte le gouvernement à prendre
des mesures immédiates pour protéger les journalistes
et les défenseurs des droits humains, à mener des
enquêtes exhaustives sur toutes les menaces et les violences
dont lis sont victimes, et à traduire en justice les responsables
présumés. Des pressions politiques sont exercées
sur la police et le pouvoir judiciaire ; ces institutions ne
remplissent pas leur devoir de protection des droits des Haïtiens.
Il est impératif que les autorités haïtiennes
prouvent, par des actions concrètes, qu'elles sont réellement
attachées au maintien des institutions indépendantes
et de l'Etat de droit. L'enquête sur l'affaire Jean Dominique
représente, en soi, un test crucial pour évaluer
l'attachement d'Haïti aux principes relatifs aux droits
humains.
Le président Aristide, les dirigeants des partis politiques,
les élus ou les représentants de l'administration
à tous les nivaux - qui appartiennent majoritairement
à Fanmi-Lavalas doivent prendre, dans les plus brefs délais,
des mesures pour stopper la détérioration de la
situation des droits humains. Pour que ces mesures positives
produisent un effet durable, le gouvernement haïtien doit
clairement réaffirmer que les principes relatifs aux droits
humains priment tout autre intérêt, en particulier
en ce qui concerne le fonctionnement de la police et de la justice,
ainsi que la protection des journalistes et des défenseurs
des droits humains.
Les autorités haïtiennes doivent faire en sorte que
les souffrances endurées sous la dictature militaire ne
se reproduisent pas sous leur gouvernement. Les progrès
accomplis en matière de droits humains ont coûté
chers ; ils ne doivent pas être irrémédiablement
perdu, conclut Amnesty International."
J'en profite pour saluer leur représentante, Madame Giraud,
et vous demande de l'applaudir.
*
* *
Il y a encore beaucoup à dire. Mais je ne peux pas trop
m'étendre.
Mon ami Jean-Marc Numa qui est notre Président Adjoint
, saura, mieux que moi, dans son intervention, vous entretenir
d'autres aspects qui fondent notre colère et décuplent
notre volonté de tout mettre en oeuvre pour qu'Haïti
retrouve les vraies valeurs humaines.
*
* *
Lorsque nous avons fondé notre Association pour la défense
de la Démocratie et des Droits de l'Homme en Haïti
et dans le Monde, plus connue sous l'appellation de "COMITE
POUR JUGER DUVALIER" l'une des phrase du texte fondateur
avait valeur de prémonition.
Nous disions, et je cite de mémoire, qu'il "fallait
que Duvalier soit jugé, pour qu'il y ait valeur d'exemple
afin d'arrêter le bras de ceux qui voudraient l'imiter".
Duvalier vous le savez est toujours en France et jouit paisiblement
d'une partie de son immense fortune bâtie sur la misère
de notre peuple... Il se rend, paraît-il, assez régulièrement
en Normandie dans le haras d'une de ses amies. Mais les autorités
françaises ignorent toujours où il se cache....
Hier, cela a fait 16 ans qu'il réside au Pays de la Liberté
et des Droits de l'Homme. Il ne devait y rester que 8 jours,
selon les déclarations embarrassées du Premier
Ministre Français de l'époque. Et c'était
pour arrêter un "bain de sang" ajoutait un autre
grand dirigeant ... Je lui avais fait remarquer à l'époque
que le "bain de sang" avait déjà eu lieu
... 60,000 victimes disent des sources autorisées ....
Et le bain de sang a continué et se poursuit....
Ce qui se passe en Haïti maintenant, c'est que tous ces
assassins ont repris du poil de la bête et occupent des
postes importants dans l'Etat. Le Duvaliérisme n'a jamais
été extirpé de notre société.
Ce sont ses héritiers qui, pour l'instant, mènent
le jeu.
En France, autrefois, on pouvait dire : Halte au fascisme ! Et
les républicains clamaient haut et fort : "Le fascisme
ne passera pas !"
À notre tour nous disons, avec nos amis qui luttent au
pays : "Non ! Le macoutisme ne passera pas !"
Et avec le coeur encore serré en pensant au drame chilien,
avec la même foi, nous crions aussi : "El Pueblo Unido,
jamas sera vincido !"
Je rappelle cela, pour vous dire, ce soir, en toute confidence,
que malgré le rappel de ces souvenirs à peine teinté
de désespérance, jamais je n'abandonnerais ce peuple
qui m'a vu naître. Cette Terre qui m'a donné le
goût de vivre la tête haute. Cette patrie qui m'a
inculqué le sens de la révolte contre les tyrannies
et l'injustice....
Je vous appelle tous, haïtiens, français, latino-américains,
à la solidarité avec ce peuple qui donna jour à
la première grande victoire des esclaves et des affranchis,
il y deux siècles. À ce peuple, qui a donné
jour à d'immenses écrivains et à l'un deux
dont j'ai juré de toujours rappeler la mémoire
à chacune de mes interventions : Jacques Stephen Alexis.
Jacques la Colère comme nous le nommions, et qui tomba
comme des milliers d'autres, connus et anonymes, dans cette terrible
lutte que nous menons, quant à moi depuis 60 ans, contre
notre fascisme haïtien.
Ensemble, défendons la Démocratie, les Droits Humains
et la Liberté de la Presse en Haïti.
Jean-Claude Duvalier a dit un jour à des journaliste venus
l'interviewer, avec le ton le plus méprisant et le plus
condescendant qui soit, en parlant de moi : "Eh oui ! Il
y a ce petit poète qui me harcèle ... "
Je me suis dit en préparant mon intervention de ce soir,
qu'il faudrait qu'un de mes poèmes termine mon exposé.
J'en ai eu très envie. Je vais donc vous dire un poème
écrit à Port-au-Prince en 1986 dès la chute
de la guignolesque et sanglante dictature de Baby Doc ...
JE HURLE A LA LUTTE
Je hurle à la lutte ô mon pays ma terre-natale Saline-cicatrice
bidonvilles-crucifiés de l'aube aux nuits fétides
chiens efflanqués affamés immondices désaffectées
tôt ou tard dans l'obscurité mensongère cogne
ma mémoire sur les tôles- ondulées aux vibrations
d'orage bave ma rage de gangrène infectée odeurs
puantes de caniveaux de mort prématurée d'enfants
vides aux regards- remords lancinantes accusations d'un monde
qui s'accouple avec l'Absurde villes-fantômes aux frontières
de l'oubli mornes décharnés fièvres circulantes
des tap-taps engrossés de détresses humaines d'ici
de là-bas et d'ailleurs de Delmas défoncé
sans autre cause que la folie meurtrière de cons hallucinés
Carrefour Bizoton crevant sous la griffure empoisonnée
d'une faim coriace permanente misère-vampire terreur des
ruelles sans eau au goût de boue d'incertitudes gourdes
aux lois du dollars piastres noires de crasse mains tendues et
mendiantes au ventre plein d'un enfant à naître
gousse d'ail des yeux implorant une aumône crevant l'incroyable
l'insoutenable douleur de mon être angoissé toute
ma rage ma colère se gorge de sève d'injustice
vérole pour abattre la dysenterie des consciences ô
mon pays d'azur palmes mornes écorces et racines mon doux
pays d'amour mer bleue de tambour et d'espace pourquoi l'univers
carcérales brûle-t-il tes vertus cancer d'injustice
concert de détresse comment ne pas rugir et se battre
ô mon peuple affamé pilé comme maïs
pillé spolié écrasé torturé
je donne mon baiser aux luttes populaires au Parti Soleil de
Roumain d'Alexis de tous ceux aujourd'hui debout de tous ceux
aujourd'hui mes frères aube certitude du matin à
venir pour enrayer la mort je hurle à la nuit aux luttes
décisives rassemblant la meute de tous les combattants
je possède la force des convictions profondes et raisonnables
je connais les sentiers raccourcis qui mènent du Bassin-Bleu
de mes rêves à l'eau de pluie l'eau des puits et
des fontaines l'eau pour boire l'eau goutte de rosée à
l'eau claire de notre délivrance oui je connais les résonances
ultimes et sourdes de mon peuple je connais les cachettes de
ses espoirs les marelles de son enfance et les lagos agiles aux
quatre coins de ses points cardinaux oui je sais les palmiers
et les lianes je sais le pois-congo et le diriz-diondion les
marigots et les ravines les cirouelles et le choux- palmiste
je connais les rigoles et les lampes à pétrole
je connais l'odeur chaudes des cassaves le piment-doux du rire
l'akassan du matin je connais d'étranges filles dont les
mots allumés vont porter nos demains oui je sais tous
les miens médecins peintres et chômeurs qui ont
bâti au coeur de tous les bayahondes notre espoir commun
je hurle à l'émeute de nos âmes je hurle
à la découverte du bonheur je hurle à mort
l'injustice je hurle pour le pain la liberté les généreux
possibles je hurle enfin et toujours à la lutte pour récolter
l'amour.
Port-au-Prince- Décembre 1986
Merci de m'avoir écouté. Kenbe fèm ! Pa
lage !
Gérald BLONCOURT
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