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Ici est l'histoire d'un des plus grands intellectuels
de la Commune de
Paris :
MELVIL-BLONCOURT
Il fut condamné à mort,
exilé,
député de la Guadeloupe.
Lisez et découvrez ...
le communard marie-galantais ?
par Willy Alante-Lima
A ma mère, en hommage à ses 90 soleils,
lui souhaitant, selon notre locution familière,
de tenir la cape encore longtemps.
A feue Mademoiselle Yolande Bloncourt,
A Monsieur Gaston Bloncourt.
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Melvil-Bloncourt fut une des grandes figures
intellectuelles parisiennes de la seconde moitié du XIXe sicle.
Le 12 novembre 1880, un billet du "Petit-Parisien" annonçait : "Un homme de
coeur, un courageux
soldat de la démocratie, un savant est mort avant-hier à Paris : Melvil-Bloncourt."
L'échotier voulait sans doute dire, un érudit.
Pour mieux situer celui-ci, nommons simplement ses pairs et amis : Charles
Baudelaire, le
photographe Etienne Carjat, Alphonse Daudet l'indicible traître (nous verrons plus
loin pourquoi),
Alfred Delvau, Delescluze, premier délégué à la guerre de la Commune, le
comédien Martel de la
Comédie française l'écrivain Henri Murger, Félix Pyat, Alexandre Privat d'Anglemont
son compatriote,
le fidèle Nadar, Elisle Reclus l'écrivain géographe, selon la terminologie de l'autorité
militaire, Victor
Schoelcher le parjure (nous verrons aussi pourquoi), Antonio Watripon, poète et
compagnon de
plume. Pour ses admirations, citons son maître durant trois années au Collège de
France, Edgard
Quinet, et, le premier de tous, Voltaire et son Siècle.
Voici, de Jules Levallois, mémorialiste sagace et mesuré, un proche, son
témoignage des liens
qui les unissaient à Charles Baudelaire : "Quand il avait composé une nouvelle
pièce de vers, il nous
réunissait en petit cénacle, dans quelque crémerie de la rue Saint-André des Arts
ou dans quelque
modeste café de la rue Dauphine, Melvil-Bloncourt, Antonio Watripon, Gabriel
Dentragues, Alfred
Delvau; je passais par-dessus le marché en tout petit
compagnon".
Sa naissance :
Où est né Melville, Sainte-Suzanne, Vicomte, Bloncourt, dit Melvil-Bloncourt ?
Le lecteur s'interroge probablement à propos du caractère dubitatif ou interrogatif du
titre de l'étude
que nous lui consacrons. En rigueur, il ne peut en être autrement.
Voici pourquoi et pour une double raison : celle relevant de l'état civil, et celle d'écrits
communs.
D'abord l'état civil : le 31 Juillet 1848, Hortense Bloncourt, âgée de 24 ans, fait
enregistrer un
jugement du tribunal de première instance de Pointe-à-Pitre, daté du 25 novembre
1847, faisant
suite à une enquête demandée par Mme Creuillette Leblond le tout sans aucuns
frais à cause de l'état
d'indigence dément constaté", lui donnant acte de la naissance, donc de
l'existence, de cinq
enfants Bloncourt, dont Melville (sic) le 5 juillet 1821 à Pointe A Pitre. Les dates de
naissance des 5
enfants entre 1813 et 1831 devaient être portées en marge des registres de l'état
civil conservés au
greffe. L'exemplaire sur microfilm se trouvant aux Archives nationales ne porte
aucune mention.
Dans les documents que nous avons pu compulser par ailleurs, si le lieu de
naissance demeure le
même (à une exception près) les dates divergent : d'après le "Dictionnaire des
contemporains" de
Vapereau (1873) c'est le 23 octobre 1825; le "Dictionnaire des Parlementaires"
de Robert
Bourloton et Cougny donne le 23 novembre 1823, et une enquête de police le 23
octobre 1823.
Un rapport, (cote 105) transmis à la première division militaire, précise : "Son état
civil n'a pu être
indiqué d'une façon authentique, l'extrait de casier le mentionnant tout simplement
sous le nom de
Melvil-Bloncourt et les recherches faites aux bureaux de la Chambre ainsi qu'au
ministère de la
Justice n'ayant permis de découvrir aucun renseignement officiel à cet égard."
La vérité, à notre avis, se trouve chez le Guadeloupéen, Oruno Lara, dans son livre
"La
Guadeloupe dans l'Histoire". Pourquoi ? Pour deux raisons également :
Oruno Lara, né en 1879, a du posséder des documents probants, ou apprendre
par la commune
Renommée, le lieu de naissance exact de celui à qui il a consacré un très long
article. Il écrit
"Melvil-Bloncourt né à Grand-Bourg (Marie-Galante), en 1825, était venu fort jeune à
Paris, où il fit
ses études".
Ajoutons à ceci, pour conforter notre intuition, que, vers 1919, Oruno Lara se liait
d'amitié avec Max
Clainville-Bloncourt, neveu de Melvil-Bloncourt. Il termine son ouvrage en 1921. On
peut supposer
qu'Oruno Lara, pointois lui-même, n'avait aucun intérêt à privilégier Marie- Galante.
Voici encore qui pourrait subsidiairement, corroborer notre sentiment sur la validité
de sa déclaration :
"Pendant ses quelques années de législature, Melvil-Bloncourt trouva moyen de
doter la ville de
Pointe-à-Pitre d'une bibliothèque communale, par l'envoi de livres obtenus du
ministère de
l'Instruction publique et des Beaux-Arts. Il fit de même pour la commune de
Saint-Louis,
Marie-Galante"
Cette ultime précision nous porte à croire que Melvil-Bloncourt devait avoir des
liens privilégiés
avec le maire et conseiller général, Monsieur Raiffer, ou tout simplement avec l'île
de
Marie-Galante, en leur rendant ainsi hommage à sa manière. Le prénom d'un de
ses frères,
Saint-Louis, évoque au surplus le nom de cette commune.
C'est dire que l'ampliation déjà évoquée est à considérer avec beaucoup de réserves,
car la liste des
enfants qui y figurent serait incomplète. Les frères et soeurs Bloncourt furent au
nombre de dix. Ce
sont : Octave (1807), Zoé (1808), Plaisir (1812?), Irène (1813), Saint-Louis (1815),
Melfort (1817),
Melville (1821), Hortense (1823), Clermont ou Clairmont (1825), Clainville (1829).
Notre parti pris
semble donc fondé.
Origine du patronyme :
Il s'agit d'éclaircir à présent, une seconde interrogation : le patronyme bicéphale
adopté,
MELVIL-BLONCOURT. D'où vient le choix de ce tandem patronymique considéré
comme le
patronyme véritable de celui qui en a fait élection ? L'extrait du rapport déjà cité
(cote 105)
adressé à la première division militaire peut en permettre la clarification : "Melvil,
Sainte-Suzanne, dit
Melvil-Bloncourt" ou encore "mieux connu sous le nom de Melvil-Bloncourt". Mais
l'enquêteur se fait
plus précis quand il nous livre un véritable extrait de naissance : "Il paraît néanmoins
établi, d'après
des indications dignes de foi, qu'il serait le fils naturel d'une Créole,
Caillette-Leblond (1) et d'un
comte de Moyencourt et que son nom aurait été constitué avec la dernière syllabe
des noms de son
père et de sa mère."
Ces précisions sont, de nos jours encore, attestées, quant à cette double filiation
parentale, devenue
et restée Bloncourt, tant par des descendants que par le Grand Armorial de
France, pour l'origine
nobiliaire du géniteur originel de la lignée ainsi que par son implantation territoriale.
"La famille Vaultier de Moyencourt était originaire de Picardie. Elle portait : d'azur à
un croissant
d'argent, accompagné de neuf mouchetures d'hermine rangée en orle. Devise :
mieux vaut mourir que
salir (Muller).
Elle remonte à Nicolas de Vaultier, archer de la garde du roi, époux de Françoise de
Confite. Il est
mentionné avec sa femme, dans une bulle du cardinal Saint-Pierre es liens
(probablement le futur
Jules II) du 25 août 1499."
Cette famille s'enracinera aux Iles d'Amérique, Guadeloupe incluse, avec
notamment,
"Alexandre de Vaultier, comte de Moyencourt, Chevalier de Saint-Louis,
Commandeur de
Notre-Dame du Mont-Carmel, Lieutenant général des Iles du Vent de l'Amérique,
capitaine de
vaisseau du roi, amirante de Castille, époux de Marie-Annede La Croix".
Notons cependant que les documents consultés ne nous ont pas permis d'identifier
qui d'entre les
comtes de Moyencourt nés en Guadeloupe peut être considéré comme l'ancêtre
des Bloncourt. Une
recherche plus approfondie dans des archives privées ou notariales permettrait
sûrement de lever
le voile sur un mystère qui n'est plus très épais car cette paternité tenue pour vraie
peut être cernée
par des détails, soit tirés de la tradition orale, soit de l'un des prénoms de l'intéressé.
En 1991,
mademoiselle Yolande Bloncourt nous confiait que, enfant, lorsqu'elle
accompagnait sa mère au
cimetière de Pointe-à Pitre, celle-ci attirait affectueusement son attention sur un buste
effigie érigé là,
en lui précisant qu'il "représentait la famille de notre ancêtre". (Cette même année,
nous avons
parcouru vainement ce cimetière. Vers quelle décharge ce buste ou stèle en
déshérence fut-il
acheminé ?...)
Le prénom, Vicomte, retient l'attention car, hier comme aujourd'hui, il ne nous
semble pas avoir
jamais eu cours dans l'Ile. Par contre, Vicomte, dans la hiérarchie nobiliaire est un
titre de noblesse
immédiatement inférieur à celui de comte, et porté par les fils cadets du comte et
leurs descendants.
Nous pouvons avancer cette hypothèse : n'était-ce pas, pour la génitrice, une
manière
codée de reconnaître une paternité, à tout le moins de la suggérer ?
Dans une de ses chroniques littéraires de la "Revue du Monde Colonial", (1864
Tome XII) "l'Edilité
parisienne et les Colonies françaises" p. 230-236, celui qui deviendra tout uniment
Melvil-Bloncourt,
s'étonne de ne pas découvrir aux façades des rues parisiennes les noms de ceux
qu i ont été les
grands serviteurs de l'Empire colonial français; il cite, par exemple "l'Olive, le
fondateur de la
Guadeloupe (1635), de Moyencourt, de Nolivos, deux gouverneurs éminents de
cette colonie" (p.
235).
N'était-ce pas, là aussi, façon de rendre un hommage indirect à son aïeul ? Cette
origine paternelle
(prestigieuse et aisée) de Melville, Sainte-Suzanne, Vicomte, Bloncourt nous
permet également de
mieux comprendre comment lui, jeune guadeloupéen de couleur, a pu poursuivre
des études à
Paris au Lycée Louis-le-Grand. En effet ce ne sont pas les modestes revenus
financiers de sa mère
qui lui auraient permis de payer son voyage, son trousseau et ses études.
A Paris : l'étudiant militant :
Dès lors, Melvil-Bloncourt commencera à battre le pavé parisien, pour le meilleur et
pour le pire.
Avant d'être l'homme politique de premier plan, et l'homme de culture respecté qu'il
fut, étudiant il se
fit remarquer par son militantisme. Un exemple, ce courrier adressé à J. B. Delutre
(ou Delatre) recueilli
par Jules Clarétie pour son "Liber Libro", parmi d'autres autographes.
Paris, le 19 avril 1866
Mon cher Concitoyen
J'ai l'honneur de vous adresser ci-inclus deux exemplaires de la liste de souscription
pour les
Affranchis des Etats-Unis d'Amérique. Je vous serai fort obligé de vouloir bien en
remettre un pour
moi à M. Marais quand vous aurez l'occasion de le voir.
Veuillez mon cher Concitoyen, etc.
Cette souscription avait été ouverte dès 1865 par Melvil-Bloncourt lui-même qui
avait commencé
son droit en 1845 et fondé, avec Ferdinand Gambion, Le "Journal des Ecoles",
organe radical de
la jeunesse démocratique; il est également un des fondateurs de la "Conférence
Montesquieu"
(1846) où se discutaient les questions de législation et d'économie sociale. Il fut
nommé en 1848
commissaire du Banquet des Ecoles à la tête duquel se trouvaient Lamartine et
Ledru-Rollin. Il
semblerait qu'au terme de son cursus scolaire il ait obtenu le grade d'avocat.
("Nos députés à
l'Assemblée Nationale", A-V Clerc, in 18, 1872).
En 1850, il entreprit la publication de la "France parlementaire, encyclopédie de la
tribune française,
de 1789 à nos jours". En voici la raison : "l'une des conditions essentielles pour
former l'éducation
politique dans le temps où nous vivons et pour édifier l'opinion sur les grandes
questions dont notre
génération est préoccupée, est de connaître la grande lutte parlementaire qui a
présidé aux
institutions qui nous régissent; cette lutte a cependant été laissée dans l'ombre; de
là une immense
lacune dans l'histoire".
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