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Le Père René
SOLER
vous parle
RADIOGRAPHIE
DU
DUVALIERISME
ou
quelques aspects du système duvaliériste
vus par
Gérard Pierre-Charles
Commentée
par le Père René SOLER
membre
du bureau
COMITÉ POUR JUGER DUVALIER
Chargé des relations franco-haitiennes.
"Tout
un peuple affligé de silence se déploie dans l'argileux
mutisme des abîmes et s'inscrivant dans les rétines
le mouvement ouateux a remplacé le verbe la vie partout
est en veilleuse"- Anthony PHELPS, poète haïtien
Le titre de maître à penser du Dr François
Duvalier doit être attribué au Dr Jean Price Mars,
sous l'influence duquel le jeune Duvalier fit ses premières
armes intellectuelles. Un des pères de la négritude,
Price Mars, publie en 1928 " Ainsi parla l'oncle "
qui devint un manifeste du nationalisme haïtien. Il y défend
les valeurs culturelles de l'Afrique et la culture nationale
contre les valeurs imposées par l'Occident blanc. Duvalier
publie en 1948 "La lutte des classes à travers l'histoire".
Sous ce titre pompeux se cachait l'une des armes les plus efficaces
de la duperie parmi cet arsenal démagogique : la division
de la société en 2 classes: noirs et mulâtres.
Son homme de main, le général Kébreau élimina
Fignolé, président provisoire, qui jouissait d'une
grande popularité auprès des masses. Quand le peuple
apprit que son leader avait été exilé, il
se souleva et fut réprimé aussitôt. On parle
de 3000 victimes lors de ces premiers massacres dans les quartiers
populaires de Bel-Air, la Saline et St Martin.
En l957, après avoir éliminé tous
ses adversaires, Papa Doc remporte les élections, grâce
à l'appui de l'armée. Il met en place sa milice
privée, les tontons macoutes, véritables commandos
de la mort, qui vont terroriser le peuple haïtien dans les
coins les plus reculés du pays. On évaluera à
plus de 30 000 le nombre de ces tueurs, sans compter ceux et
celles fillettes-laleau et autres qui les appuieront. Leur formation
technique avait été assurée par la mission
militaire américaine et les officiers de confiance de
Papa Doc. Un certain nombre d'entre eux furent formés
en France par la Gendarmerie Nationale, à Melun.
QUELQUES DATES DU PRÉSIDENT A VIE:
Le 26 avril 1963 la tentative de rapt de Jean-Claude Duvalier,
élève des frères de l'Instruction Chrétienne
à St Louis de Gonzague, échoue piteusement. Une
vague d'assassinats déferle sur Port-au-Prince, la capitale.
70 officiers de l'armée doivent prendre asile dans les
ambassades pour se protéger... Papa Doc fait massacrer
la famille Benoît, soupçonnée d'être
l'auteur de la tentative de rapt. Or c'est Clément Barbot,
un des chefs tontons-macoutes qui tenta de déstabiliser
la dictature.......
Le 15 mai 1963: Fin de son mandat. Devant les pressions
subies, Papa Doc expulse ambassadeur et mission militaire US.
Le 25 mai 1964 : "Je ne suis pas un ambitieux, mais
un révolutionnaire" déclare celui qui se fait
proclamer par la Chambre Législative, complètement
duvaliérisée, Président à Vie de
la République d'Haïti.
Le 14 juin 1964: Il organise un référendum
populaire pour ratifier cela. D'après les chiffres officiels,
on aura près de 3.000.000 de OUI et 3234 NON ! ! ! ! !
Le 22 juin 1964: L'Investiture officielle au Palais National.
Il se proclame "Leader incontestable de la révolution,
Apôtre de l'Unité Nationale, Digne Héritier
des Fondateurs de la Patrie. "
1964: Année de l'asservissement des chefs de l'Église
catholique. Après avoir expulsé les évêques
étrangers, les jésuites en 1964 et les spiritains
en 1969 ; il signe un nouvel accord avec le Vatican et Paul VI
et choisit Mgr F.Wolf Ligondé comme archevêque de
Port-au-Prince . Cet archevêque s'avérera comme
un fervent serviteur de la Dictature, ami personnel de Duvalier,
père et fils qu'il mariera avec Michèle Bennet
; toujours prêt à faire exercer la répression
sur les membres non alignés du clergé haïtien
ou étranger.
En 1991: dans un discours fleuve contre Aristide qui venait
d'être élu, cet archevêque suscitera un coup
d'État qui sera stoppé par Washington mais repris
en septembre de la même année.
En 1999: il est toujours présent à l'Évêché
de la capitale et reste un duvaliériste notoire.
RÉGIME DE VIOLENCE: Sous Papa Doc et Baby Doc l'arbitraire
remplaça la légalité, et le droit de la
force remplaça la force du droit. Le régime ressuscita
des pratiques tribales, esclavagistes et féodales. Il
fit disparaître les 3 Pouvoirs. Ce fut le règne
de la terreur qui traumatise la population, paralyse les volontés,
perturbe les consciences et prostitue la personnalité.
Aujourd'hui, en 1999, nous pouvons constater combien ces paroles
de Gérard Pierre Charles furent prophétiques, tant
la société haïtienne est marquée profondément
par ce lavage de cerveaux de toutes les classes du pays.
Résultats ? des centaines d'assassinats perpétrés
parfois en plein jour et sous les yeux de la foule et des enfants
des écoles. Des disparitions de suspects, des représailles
exercées contre les proches parents des inculpés
et l'exposition publique des restes de certaines victimes.
Les images de Grahame Greene dans "Les Comédiens"
nous reviennent en mémoire: le chirurgien qui se fait
égorger, devant toute son équipe, en pleine opération
chirurgicale, par des macoutes notoires de cette époque
barbare.
En août 1964, 13 jeunes venant des USA débarquent
à Jérémie. Dès qu'il reçoit
la liste des débarqués, Papa Doc ordonne le massacre
de leur famille résidant à Jérémie.
En une seule nuit, plus de 80 personnes furent égorgées
de sang-froid, entre autres les familles Droin, Villedroin et
Sansaricq. Ni une vieille paralytique, ni un enfant de 2 ans
ne furent épargnés. Treize personnes furent égorgées
dans la rue. Ensuite les macoutes pillèrent domiciles
et magasins des Sansaricq.
En règle générale, même les exilés
s'abstiennent de prendre une position ouverte contre le régime
par peur de représailles sur leurs familles. Les opposants
"kamokens" ou communistes, ou leurs familles, sont
massacrés systématiquement, après avoir
été torturés ou violés. En mai 1967,
1e colonel Jean Tassy, chef des TTM, un des principaux bourreaux
de Fort-Dimanche, un des centres de torture et d'emprisonnement
les plus fameux de cette époque, appelé aussi Fort
la Mort, révéla qu'au quartier général
de la Police de Port-au-Prince 2053 personnes avaient été
tuées.
En l999, après 13 ans de tentatives de démocratisation,
la peur règne toujours dans la diaspora et nous comprenons
très bien que les victimes du duvaliérisme soient
si réticentes à se faire connaître . La violence
règne jour et nuit en Haïti.
Depuis 1804 le peuple haïtien a soif de justice. Juger Baby
Doc c'est, en partie, réparer les nombreuses injustices
dont l'Occident est responsable, et la France, pays des droits
humains, en particulier. Ce serait en fait une sorte de psycho-thérapie
collective pour tout un peuple malade de cette Impunité
provoquante et insolente de ses bourreaux.
Nous ne dirons jamais assez, que les États-Unis et la
France, solidaires et finalement complices, ont enlevé
Baby Doc d'Haïti, alors qu'ils venaient de perdre le pouvoir
à la suite de cet immense soulèvement populaire,
pour éviter que ce début de révolution se
radicalise.
Ces deux grandes puissances, ont agi de concert, en donnant asile
en France à leur "protégé", tout
en maintenant le système en place, en le remplaçant
par son propre chef d'État-major, le général
Namphy. Le Duvaliérisme se succédant à lui-même!
Quel paradoxe inouï! Quelle parodie des puissances Occidentales,
dont la France, que nous sommes, hélas, bien obligés
de citer, est en grande partie responsable!
C'est par crainte de la contagion dans les Antilles de cette
avancée révolutionnaire qui se dessinait en Haïti,
que les États-Unis (en regard de Cuba proche) et la France
(maîtresse en Guadeloupe, Martinique, Guyane) ont agi,
pour enrayer cet immense espoir en la Liberté et en une
véritable Démocratie à laquelle aspirent
les peuples de toute cette régioncaraïbéenne.
C'est par crainte de la contagion dans les Antilles de cette
avancée révolutionnaire qui se dessinait en Haïti,
que les États-Unis (en regard de Cuba proche) et que la
France (maîtresse en Guadeloupe, Martinique, Guyane), ont
agi pour enrayer cet immense espoir en la Liberté et en
une véritable Démocratie à laquelle aspirent
les peuples de toute cette région caraïbéenne.
C'est encore et toujours la crainte de l'exemple haïtien,
première République victorieuse, brisant les fers
de l'esclavage, et proclamant son indépendance en 1804,
qui a constamment poussé ces deux puissances, au cours
de l'Histoire, à réduire Haïti et à
la soumettre à leur domination, politique et économique.
Paris, 21 juin 1999
Révérend Père René SOLER
(1)
Pour comprendre le régime duvaliériste, lire absolument
ce livre paru en espagnol à Mexico Haïti, "Radiografia
de una dictatura", de Gérard Pierre-Charles en 1969
et édité en français à Montréal
par les éditions Nouvelle Optique en 1973, sous le titre
Radiographie d'une dictature. Gérard Pierre- Charles est
un des fondateurs de l'O.P.L. un des principaux partis politiques
actuels en Haïti.
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